Gorée

Ma douleur est aux sources de mon exil

Il y eut sur cette île sang brûlé herbe brûlée

Et tout un ciel bleu chaviré en tristesse

Je fus un nègre sans vertèbres

Rampant parmi les timbres de mes os

Je puais l’odeur des comètes

Tellement je les priais

Car Dieu s’était soustrait de mes chemins

Il m’avait offert moi et ma denture parfaite

À leurs gueules obscures

 

L’île flambait rouge comme l’œil de Vénus

Sous l’ombre lunaire qui claquait comme un fouet

Ils mirent ma chair au frais dans l’impasse minuscule

Du cri et du chaos

 

Terre vent paradis de fruits amers

Il n’y a ici qu’une saison magistrale

Celle du sel et des falaises

Il y a la fleur noire

Voix des femmes peintes d’aurore

Qui chantent pour la poussière des morts

Et même si les mânes ne reviennent jamais

L’île est cernée de faunes violacées

 

Au pied du village tourné vers l’hymne de paix

Il y a tout un rivage de hontes sulfureuses

Un palais ardent de ciel et de lumière

Dilué dans la brume du nord et du désert

 

Tant de pierres baignées de larmes de désertion

Polluées de crimes

Mâchées par l’horreur

L’île sans le dire est cicatrice du monde

 

Personne ici n’a encore vu le ciel

On n’a fait que frôler des lueurs jaunes

Trop de branches entichées ont caché les blessures

La mort les tremblements de flammes

Menacent de tout détruire

Car l’île est habitée d’horloges obsédées

Par la conquête des dignités humaines

 

Il n’y a ici que jambes d’hommes

Pour rallier les chemins

Après ces temps si durs

L’île réclame enfin sa paix lunaire

Elle ne connaît ni mouvement de fleuves

Ni soir plénier d’étangs amoureux

Il n’existe aucune cité blanche

Aucune arcade maquillée de mystères

Vitres et façades sont de couleur d’Afrique.

Référence bibliographique

Nadine Fidji, « Gorée », Timis, Sarcelles, Éditions le Carbet, 2001.

 

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